C’est le « Café bouquins », un club de passionnées d’écritures et de styles littéraires, de belles pages et de mots savamment assemblés par des écrivains.
Un club de femmes à la passion singulière qu’elles conjuguent au pluriel une fois par mois. Selon un calendrier fixé en septembre, un lundi par mois, elles se retrouvent dans le salon de l’une d’entre elles. Elles arrivent leur sac à main en bandoulière, avec à bout de bras un autre sac plus chargé, chargé de 3, 4, 5… jusqu’à 10 livres pour les plus voraces. Après un café et quelques gourmandises que la maîtresse de maison a préparé pour se mettre en bouche, les voilà prêtes à se retrouver en cercle pour débattre de leurs lectures du mois.
La bibliothèque commune compte une centaine de volumes. Chacune choisit selon ses envies, puis échange sur son ressenti, défend ses coups de cœur ou développe ses déceptions. Et ainsi circulent les livres du « Café bouquins ».
Choisir un auteur, un roman, un polar, une biographie… c’est l’assurance de vivre le temps d’une lecture d’autres vies que la sienne. C’est s’engager à cheminer dans une atmosphère ressemblante ou à l’opposé de son quotidien. C’est rencontrer et apprendre à faire connaissance de personnages qui vont nous toucher, nous révolter, que l’on va plaindre ou que l’on va haïr. C’est comprendre à travers des narrations des épisodes de l’Histoire que l’on n’a pas connus. C’est mesurer combien le hasard d’être né quelque part peut nous offrir un destin de lumière ou une vie de galères. Les livres nous offre à imaginer ou idéaliser des expériences que la Vie ne nous offrira peut-être pas. Les livres, c’est l’évasion dont le confinement nous a privées. Les livres, ce sont les histoires dramatiques que l’on préfère apprécier dans des polars plutôt que dans les journaux. Les livres, ce peut être des récits d’anticipation où la fiction ressemble parfois à l’actualité que nous vivons. Bref, les livres, c’est la vie en concentré, la vie puissance 100 !
Vous livrer ici nos coups de cœur relève du supplice, tant notre bibliothèque était éclectique et a répondu à toutes nos sensibilités. Alors, j’ai choisi de mettre de côté les titres qui avaient d’ores et déjà été cités par nos lectrices dans la chronique littéraire de confinement #JBAàlamaison. Voici les six que j’ai retenus.
"Avec toutes mes sympathies" d’Olivia de Lamberterie
« Avec toutes mes sympathies » est un témoignage intime vibrant, touchant et pas du tout larmoyant d’Olivia de Lamberterie, pourtant transpercée de chagrin à la suite du suicide de son frère. C’est une écriture délicate et ciselée qui vous happe et, je vous assure, vous refermez le livre en vous disant que vous auriez aimé rencontrer ce frère disparu trop tôt. Une belle âme, lumineuse malgré son désespoir et son destin tragique. Je ne peux m’empêcher d’ajouter une note personnelle et vous avouer que c’était mon coup de cœur 2019.
"Trois jours à Berlin" de Christine de Mazières
Quand je vous disais qu’un livre peut vous transporter loin dans l’espace et l’Histoire, laissez-moi vous inviter à remonter le temps, en 1989 précisément. Christine de Mazières nous embarque pour « Trois jours à Berlin », la veille de la Chute du mur. Nous suivons plusieurs personnages qui vont se croiser sans toujours se rencontrer, mais vivre à leur manière cet épisode véritablement historique. C’est un livre court, mais les chapitres se déroulent au fil des fragments de vie de ses acteurs et nous fait vivre ce formidable espoir d’un bloc de l’Est libéré et d’une population réunifiée dans une seule et unique Allemagne. Un de nos coups de cœur de cette saison.
"La plus précieuse des marchandises" de Jean-Claude Grumberg
Cinquante plus tôt, dans ce même pays, l’Histoire a tourné une de ses pages les plus sombres avec le régime nazi et la persécution du peuple juif, ce que l’on nommera plus tard la Shoah. Dans « La plus précieuse des marchandises », un court ouvrage à la manière d’un conte, Jean-Claude Grumberg décrit l’inconcevable à travers une fable. Il parvient à évoquer ce que la Vie peut avoir de plus noir en distillant pourtant des petites touches vibrantes de vie. Tout simplement, bouleversant !
"Le chagrin des vivants" d’Anna Hope
Le café bouquins ne se focalise pas qu’autour des nouveautés de l’année, des livres sortant en poche intègrent aussi notre sélection. Comme ce très beau premier roman d’Anna Hope : « Le chagrin des vivants ». Nous sommes 5 jours avant le 11 novembre 1920 à Londres. L’Angleterre attend l’arrivée du soldat inconnu, rapatrié depuis la France, pour une cérémonie d’hommage destinée à recueillir la peine d’une nation entière. Dans ce pays en deuil qui a perdu tant d’hommes au combat, nous suivons trois femmes de différentes classes sociales, toutes liées par leur réticence à dire adieu au monde que la guerre a fait voler en éclat : Evelyn dont le fiancé a été tué, Ada qui ne cesse d’apercevoir son fils tombé au front et Hettie qui accompagne tous les soirs d’anciens soldats sur une piste de dancing pour six pence la danse. L’histoire avec un grand H à travers trois portraits subtils et attachants de femmes cherchant l’équilibre entre la mémoire et la vie.
"Le cœur de l’Angleterre" de Jonathan Coe
Toujours en Angleterre, mais Jonathan Coe aborde une page tout à fait contemporaine avec son dernier opus « Le cœur de l’Angleterre ». L’auteur anglais nous plonge dans la vie et les errements de la famille Trotter pour nous faire appréhender comment le Brexit a clivé dans une cellule familiale, à l’image de la population britannique toute entière. C’est une chronique mordante et mélancolique d’une nation en crise, décrite avec l’humour et avec le flegme « british » dont Coe est un des plus vaillants représentants. Oh, il ne s’agit pas d’une chronique politique dont les personnages ne seraient qu’un prétexte à défendre une opinion. Même si l’homme ne cache pas son hostilité au Brexit, l’auteur se veut neutre. Il n’accable ni n’épargne aucun de ses personnages. Il tente en fait de mesurer l’impact des bouleversements politiques sur la vie de ses protagonistes comme de ses concitoyens.
"Les yeux dans les arbres" de Barbara Kingsolver
L’Afrique n’est évidemment pas absente de nos lectures, citons ici « Les yeux dans les arbres » de Barbara Kingsolver.
Etats-Unis, 1959. A la veille de la décolonisation, un pasteur baptiste décide de partir avec sa femme et ses filles au Congo Belge dans le but d’évangéliser un village reculé. Avec une obstination qui tourne à la démence, il tente de baptiser la population délaissant sa famille alors que le pays, avec la proclamation de son indépendance, la prend au piège en sombrant dans le chaos. Les cinq femmes ayant survécu racontent tour à tour cette expérience extrême qui les a marquées à jamais Une lecture très intéressante sur la colonisation et le combat pour l’indépendance, le choc des cultures, entre une famille américaine croyante et une Afrique démunie, prise entre les colons et son besoin de retrouver sa liberté. Un choc de lecture pour toutes celles qui ont choisi de le lire cette année.
Rédaction : Anne Lemaire
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