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Huit femmes...

Huit portraits de femmes inspirantes

Par ces huit portraits, de femmes extraordinaires, courageuses, innovantes.. Jo’bourg Accueil participe à la Journée Nationale de la Femme fêtée ici le 9 Août. Vous les connaissez, vous les côtoyez peut-être ici en Afrique du Sud…
Cette série commence avec l’une des plus illustres, Ma Sizulu.

Huit femmes...

 IL ÉTAIT UNE FOIS MA SIZULU

Il était une fois Ma Sizulu, La Mère de la Nation, surnom donné à Albertina Sizulu qui laisse à penser qu’elle était adorée du peuple sud-africain. Pourtant ce ne fut pas toujours le cas !
Car, Ma Sizulu a su, pendant tant d’années, maintenir sa nature calme, son humilité. Et, dotée d’une forte résilience interne, bien qu’à maintes fois malmenée, elle a su tenir tête au régime de l’apartheid.
Brillante à l’école, dynamique, elle s’illustra souvent mais fut aussi obligée de quitter l’école à plusieurs reprises pour s’occuper de sa mère et sa sœur malades. Plus tard, elle choisira de rejoindre une école d’infirmière, en 1940, abandonnant le projet de devenir nonne qui ne lui assurerait pas de revenus conséquents pour subvenir aux besoins de sa famille. C’est lors de cette période de formation dans un hôpital à Johannesburg qu’Albertina, venue d’une petite province où la vie paraissait bien calme, découvre deux monstres, "racisme et discrimination". Un déclic qui paradoxalement ne la fera entrer dans l’activisme que bien des années plus tard.

C’est définitivement sa rencontre avec Walter Sizulu, qui changera sa vie. Même si dans les premières années de sa rencontre avec l’activiste, elle ne rentra pas immédiatement dans le mouvement. Les années 40 furent la décennie pendant laquelle sa vie prendra une toute autre dimension : rencontre avec Walter en 1941, mariage en 1944, 1er enfant en 1945. En 1947, quand Walter rejoint l’ANC et quitte son emploi, elle devient la seule à travailler pour nourrir sa famille. Puis les idées se forgent et en 1948, elle rejoint la branche féminine de l’ANC. Durant les décennies suivantes, elle sera en tête de tous les mouvements de contestation, qui lui vaudront de nombreux séjours en prison, d’isolement, d’interdiction, de résidences surveillées, de manipulation psychologique...

S’il ne fallait en citer qu’un seul, nous retiendrons un événement en lien direct avec la journée de la femme : la marche du 9 août 1956 à Prétoria : 20.000 femmes défilèrent pacifiquement pour protester contre une loi qui, en plus de la ségrégation en place, voulait imposer aux femmes noires un « pass » identitaire qui permettrait d’enfreindre encore plus légalement leurs droits. Ce jour deviendra bien des années plus tard, en 1994, la journée de la femme en Afrique du Sud, qui ne la célèbre pas le 8 mars, à l’instar de la majorité des pays.

Ma Sizulu résistera et réussira à aller faire savoir au monde entier ce qu’est l’apartheid, elle rencontrera notamment Margareth Thatcher et George Bush. Ma Sizulu nous a quittés en 2011.


 CAROLE PODETTI, CITOYENNE DU MONDE

Carole Podetti aime se définir comme une citoyenne du monde qui s’efforce de comprendre la dynamique de la citoyenneté au-delà des frontières. Elle apprécie la richesse des diversités culturelles et reconnaît l’essence de l’identité nationale.
C’est le football qui amènera Carole en Afrique du Sud en 1997 pour la première fois avec le Comité Français d’Organisation de la Coupe du Monde de Football. Puis en février 1999, elle arrive sur cette terre où les blessures de l’apartheid sont encore vives. En 2000, la candidature de l’Afrique du Sud n’est pas retenue mais de nouvelles opportunités professionnelles vont s’ouvrir grâce au sens du contact de Carole.

Le Ministère de l’Education de la Région du Gauteng lui demande de créer un programme citoyen pour les écoles publiques, de Soweto à Pretoria. En 2001, elle crée Valued Citizens Initiative. L’Initiative Valued Citizens a pour mission de promouvoir une approche holistique pour un engagement citoyen des enfants, des parents, des enseignants et directeurs d’établissements scolaires, et assistantes sociales par la mise en place de programmes reconnus par le gouvernement sud-africain. Ces programmes offrent un parcours personnel d’exploration de soi et une guérison des plaies émotionnelles à travers l’art visuel, une exploration des valeurs constitutionnelles du pays, et l’apprentissage des principes de leadership et de l’éthique.
Depuis, son projet pilote au sein de deux écoles primaires à Soweto, Valued Citizens Initiative et Carole ont grandi ensemble avec la même infatigable passion, cette énergie qui nourrit les neuf programmes éducatifs développés. Ces programmes permettent aux jeunes sud-africains de s’engager à amplifier une certaine cohésion sociale au sein des communautés où ils vivent et étudient mais aussi à 76 % d’entre eux d’avoir accès à des études universitaires alors qu’au niveau national en 2019, seul 35 % ont accès à des études universitaires. Enfin, 65 % des jeunes Valued Citizens ont complété leurs études et contribuent aujourd’hui à développer l’économie de leur pays, l’Afrique du Sud.

La vision de Carole
« Comme la philosophie de Paolo Freire nourrit notre méthodologie à l’Initiative Valued Citizens, nous engageons adultes et enfants, bénéficiaires de nos programmes à mener un projet citoyen qui leur permet un apprentissage au leadership et ancre leurs compétences en matière de prise de décision, négociation, communication.
Notre approche leur permet de sortir du cercle de la victimisation en acquérant des connaissances et compétences de leader. Tous nos programmes transforment les comportements et donc s’inscrivent dans la durabilité. » 


 GAIL STIGER, LA BONNE AME DE DIEPSLOOT

Parmi les femmes formidables dont nous avons voulu vous montrer la puissance, le parcours de vie, le savoir-faire et les talents, il y a l’admirable Gail Styger. Fondatrice et administratrice de « The Wot-if ? Trust », elle opère à Diepsloot depuis 2013 en mettant l’accent sur le développement socio-économique du township. La plate-forme qu’elle anime, avec une équipe active de 10 femmes, permet à la communauté de saisir des opportunités et de générer des revenus durables pour améliorer le quotidien.
En 2009, le Père Louis Blondel engagé depuis 1987 auprès des plus pauvres et ayant ouvert une paroisse à Diepsloot, a été assassiné. Gail Styger ne concevait pas que son implication ne perdure pas. Elle a inscrit « The Wot-if ? Trust » dans sa démarche originelle. Connue désormais comme « Sœur G » à Diepsloot, elle se dédie entièrement au développement de la communauté et se concentre sur les histoires positives qui en émergent.
Diepsloot (que l’on peut traduire par « fossé profond ») est une communauté post-apartheid de 800 000 personnes. La médiocrité des infrastructures, l’absence de services publics et la surpopulation ont conduit à un taux de chômage, de criminalité et de problèmes sociaux particulièrement élevé. Depuis 2013, Gail opère donc dans l’extension 10, au sein d’une population dynamique, passionnée et énergique qui mérite qu’on la soutienne. Elle fait la promotion d’un esprit d’entreprise. Elle lance des programmes qui autonomisent les femmes et les jeunes (60 % des entrepreneurs ont moins de 35 ans), facilitent le développement de modèles commerciaux viables pour les entreprises émergentes et micro-entreprises. Pour cela, The Wot-if ? Trust offre un espace de travail collaboratif et met à disposition assistance commerciale, accès à internet, outils technologiques (ordinateurs, photocopieurs…), salles de réunion, bibliothèque économique, coaching d’affaires, partage d’expériences et mentorat...
Gail agit sur le terrain et se démène parallèlement pour établir des relations durables avec des bailleurs de fonds. Elle canalise les fonds de développement socio-économique que les entreprises doivent dépenser pour obtenir des points sur le tableau de bord BBBEE. Elle a obtenu aussi des fonds d’organisations internationales, grâce à une approche stratégique et systémique de son travail. Elle s’exprime lors de conférences sur la responsabilité sociale des entreprises et est connue par ses pairs comme la reine du réseautage pour ses capacités à créer des liens.
Nominée au Sommet mondial du lien social
« Le moment est venu pour un leadership audacieux, à la fois individuel et collectif » a déclaré le Secrétaire général des Nations Unies au Sommet mondial du bien social (Social Good Summit 2019). Selon l’Unesco, moins de 40 % des filles en Afrique termine le premier cycle du secondaire. Leur droit à l’éducation est violé, c’est inacceptable. Il y a 4 ans, 193 pays signaient le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Une feuille de route a été établie pour un monde meilleur, de paix et de prospérité pour tous. 2020 entame la dernière décennie de ce programme. Nominée à ce sommet dans la catégorie « Mettre fin à la pauvreté », Gail Styger ne lâche rien et souhaite même intensifier les actions de The Wot-if ? Trust.
D’ailleurs, son action ne s’arrête pas au secteur économique, elle est déterminée à ce que les jeunes apprennent à prendre soin de l’environnement et des ressources naturelles. Pour mieux faire pression sur le gouvernement local, elle travaille avec la population à réguler la gestion des poubelles et le recyclage des déchets, elle sensibilise les plus jeunes pour un Diepsloot plus propre, plus vert et plus sain.
Hélène Raison qui a quitté l’Afrique du Sud en décembre et qui l’a bien connue le confirme « J’ai admiré sa force, ses ressources inépuisables, son cerveau hautement fonctionnel, sa vision globale et sa capacité à transformer en musique concrète des notes écrites sur un papier. Elle vient d’une autre planète, elle a une telle capacité d’accomplissement pour rendre tous les jours la Terre plus belle. Grâce à elle, j’ai pu rencontrer tant de belles personnes qui m’ont mieux fait connaître l’Afrique du Sud. J’ai touché du doigt l’énergie vibrante et l’âme accueillante de Diepsloot. Je me sens humble et honorée de l’avoir accompagnée six années durant ».


 OUMA, MAMA DEDIEE AUX AUTRES !

Interview avec Ouma Majola Jivan, fondatrice de Little Rose
Parlez-nous de votre enfance ?
Je suis née en 1959 à Kliptown, (quartier particulièrement défavorisé de Soweto) dans une famille de quatre enfants. Ma mère était domestic worker en ville. À l’âge de 14 ans, je suis devenue orpheline de père et mère. C’est mon beau-frère qui m’a élevée, je lui dois beaucoup car sans son salaire de garagiste, je n’aurais pas pu survivre et me consacrer à mes activités de community leader.
Quel souvenir gardez-vous de votre jeunesse ?
Je ne garde pas un mauvais souvenir de mon enfance : de façon surprenante, la vie était plus facile qu’aujourd’hui dans Soweto ; la vie était beaucoup moins chère, les inégalités moins grandes, et le sens de la communauté très fort. L’entraide était un des piliers de la vie de la communauté. Même si vous n’étiez pas éduqué - ce qui était mon cas car je n’ai pas pu finir l’école et j’ai dû élever mon petit frère - vous pouviez compter sur un voisin pour vous guider.
Qu’avez-vous fait lorsque vous étiez en âge de travailler ?
En 1990, à 31 ans, j’ai décidé de devenir un community leader. Ce fut le tout début de ma vie de bénévole : je faisais du porte à porte pour rendre visite aux gens seuls, nettoyer leur maison, leur fournir de la vaisselle, de la nourriture, et aussi les aider pour obtenir les papiers qui leur permettaient de devenir les guardians légaux de leurs petits-enfants. Le sida a fait beaucoup de petits orphelins : à cette époque, bien souvent, ces personnes seules et sans ressources se terraient chez elles avec des petits par peur de perdre leur garde. Je savais obtenir leur confiance. Avec l’aide précieuse du community doctor, le Dr Nana, j’ai appris à donner les bons conseils d’hygiène, à régler des situations administratives complexes et j’ai pu parfois obtenir des food pass.
J’ai initié des Food Garden, jardins potagers indispensables pour de nombreuses familles.
En 1993, j’ai approché le Childwelfare Department pour les alerter sur la situation des enfants dans Kliptown : gardés par des grands parents malades, cloitrés, sans aucune chance d’aller à l’école ou à la crèche. J’ai reçu un bus à double étage pour y accueillir une centaine d’enfants durant la journée. Et surtout j’ai exigé d’être formée pour mieux m’occuper et identifier les enfants en besoin. Mon salaire ? de la farine de maïs, du sucre, de l’huile, et du riz.
Le centre a grandi. Little Rose est créé, officiellement ONG, en 1997. Avec le recul, quelles personnes ont compté dans votre parcours ?
Mon beau-frère bien sûr, le docteur Nana, et les « Big Mamas », mes amies : des femmes qui avaient l’âge d’être ma mère. Sans elles, je ne serais pas là ! Surtout Mama Soury, une femme extraordinaire, qui m’a donné la confiance en soi. Une autre rencontre importante fut celle de Petronella, qui devint mon bras-droit, mon amie, celle qui dans les moments de doute m’a donné la force de continuer, par sa pétillance et sa force de vivre !
Quel message donnez-vous aux jeunes filles du Centre ?
L’éducation avant tout ! Et puis faire attention à leurs relations sexuelles. Leur vie de jeune fille peut être bouleversée par une grossesse. L’éducation - et la surveillance ! - à ce niveau sont très importants, surtout que garçons et filles grandissent ensemble au Centre. Nous devons faire très attention à ce qu’ils se considèrent comme frères et sœurs. Nous les mettons en garde aussi sur les dangers extérieurs. Les viols sont plus fréquents qu’auparavant dans le township.
Enfin se choisir un métier correct qui leur assure un futur : ils ne peuvent compter sur le Centre toute leur vie.
Enfin que dites-vous à tous vos « enfants », votre philosophie de vie ?
En 1 : Respecte-toi, aime-toi, pardonne-toi.
En 2 : Ne te compare jamais aux autres !
Où placez-vous la religion dans tout ça ? Je sais que vous êtes musulmane.
La religion n’est pas un problème à Little Rose et ne l’a jamais été. Ici on accepte tout le monde quelle que soit sa religion. Petronella est chrétienne, je suis musulmane, les enfants suivent les rites de leurs parents et vont aux cours de religion. Personne n’est obligé de suivre le Ramadan. « Trust and Love » , c’est notre message ici.

Comment envisagez-vous l’avenir ?
Je rêve qu’un des enfants du Centre prenne le relais et le fasse grandir. Les racines sont là maintenant !

Little Rose, c’est aujourd’hui un centre qui fait vivre une communauté (crèche, soutien scolaire, alphabétisation, atelier couture).


 MAGALI MALHERBE, FONDATRICE DE CHILDREN OF THE DAWN

Fin 2019, cinq ans après avoir reçu le Trophée des Français de l’étranger dans la catégorie Humanitaire et Social, Magali est promue Chevalier de l’Ordre National du Mérite. Une juste reconnaissance pour cette française de 42 ans qui se bat depuis près de 20 ans pour de jeunes sud-africains en situation vulnérable.
Magali arrive en Afrique du Sud en 1998 comme volontaire dans une association de défense des Droits de l’homme. Quelques années plus tard, très touchée par le sort des orphelins du sida, notamment en zone rurale, elle crée l’association Children of the Dawn, pour soutenir ces enfants dans leur quotidien.
Magali fonde également une famille ; son mari, sud-africain, soutient son engagement et l’accompagne parfois sur le terrain ; ils ont aujourd’hui 3 enfants.
En 2018, Children of the Dawn rejoint Mamas Alliance, un réseau de 33 ONG travaillant pour l’enfance sud-africaine en difficulté, dont Magali prend la direction.
L’association compte aujourd’hui 27 centres d’accueil, répartis dans 9 communautés rurales de la moitié Est du pays, et accompagne 1080 jeunes de 5 à 23 ans au travers de 5 programmes :
Le soutien quotidien : couverture des besoins élémentaires (nourriture, hygiène, soutien scolaire, aide psychologique, …).
Enfants dans l’Action : activités de loisirs et de stimulation pour les 5-13 ans.
Mon Futur, Ma Responsabilité : mentoring pour les adolescents dès 14 ans.
Sport for Good : pratique sportive ouverte porteuse de valeurs au travers de sports comme le frontball, la corde à sauter, la randonnée ou encore le foot de rue.
Le soutien aux étudiants : aide financière, aide au logement, au transport, orientation... 70 jeunes ont pu accéder à des études supérieures ou à un emploi. Magali se réjouit par exemple de la réussite de ce jeune technicien qui, une fois entré chez Bombela (Gautrain), a construit une maison pour sa grand-mère !

Children of the Dawn met aussi en place PowerGirls, un nouveau programme destiné aux filles de 9 à 16 ans qui a démarré en février 2020 ; 200 jeunes filles sont enrôlées sur 4 sites de Children of the Dawn pour au moins 5 années, sur un total de 1700 filles au sein de Mamas Alliance. Magali porte ce projet depuis 2 ans avec une collègue pour répondre à la défection des jeunes femmes confrontées notamment au phénomène des « blessers » (terme familier désignant les hommes riches qui offrent un support matériel et financier à des jeunes filles en échange de relations sexuelles) ou à des grossesses précoces.
L’association peut compter sur des sponsors réguliers comme la fondation Solidarity Accor, Air France KLM, Kinderfonds Mamas (Pays-Bas), et sur des partenaires fidèles accueillant ses jeunes dans le cadre de projets sportifs et solidaires : l’association française de frontball (académie de frontball, juillet 2020), le Lycée français Jules Verne (ascension du Mont Toubkal au Maroc, février 2020), …
Sans oublier ses 240 parrains et marraines qui financent le parcours d’un jeune depuis l’Afrique du Sud ou la France, via l’antenne française "Les Enfants de l’Aurore", et qui seront accueillis à bras ouverts s’ils décident de venir rencontrer leur filleul lors d’un voyage dans le bush.


 MAMA AFRICA

Mama Africa, la mama sud-africaine la plus française
Pata Pata, vous vous rappelez ? Un air qui vous reste dans la tête dès que vous l’entendez pour le restant de la journée. C’est le succès qui propulsera Miriam Makeba, artiste sud-africaine sur la scène artistique internationale. Engagée, elle fut aussi une activiste redoutable contre l’apartheid.
Le nom de cette artiste est certes associé à son plus grand titre, Pata Pata, le nom d’une danse populaire dans les townships de Johannesburg dans les années 50. Miriam Makeba a parcouru le monde entier, mais pas uniquement à cause de ce tube de 1967, mais aussi parce qu’elle fut forcée de s’exiler, suite à ses actions activistes anti-apartheid. 31 ans d’exil pendant lesquels, elle n’aura de cesse d’alerter le monde sur la situation en Afrique du Sud, en prononçant des discours anti-apartheid. En Europe, elle deviendra un symbole de la lutte anti-apartheid, portant son rêve d’une grande Afrique unie. Pour son pays, elle exhortait ses frères noirs au pardon : « Il faut nous laisser grandir. Les Noirs et les Blancs doivent apprendre à se connaître, à vivre ensemble ». Ses chansons portaient des messages d’amour, de paix et tolérance. En France, elle rayonnera également : ambassadrice de la musique africaine, Miriam Makeba a reçu la distinction de Commandeur des Arts et des Lettres en 1985 et a obtenu la nationalité française en 1990. C’est lors de son dernier concert en 2008 qu’elle décède en Italie, toujours dans l’activisme en soutenant la cause de Roberto Saviano, traqué par la Camorra.


 JO, OU LA CULTURE DU STREET ART

Qui vient vivre une parenthèse expatriée à Joburg ne peut passer à côté de cette jeune femme pétillante, passionnée et passionnante, aux cheveux parfois aussi colorés que les murs dont elle nous raconte les décors : Jo Buitenbach a créé « Past expériences » pour faire comprendre et aimer l’art de la rue, et ce même aux néophytes et aux plus réticents. Pari réussi assurément !
Il ne suffit pas de fréquenter musées et galeries pour découvrir l’art sud-africain, il faut se frotter à l’art de la rue. Pour cela, il n’est pas de meilleur guide que Jo ! Elève des Beaux-Arts diplômée en archéologie, aussi experte que naturelle, elle a fondé en 2009 « Past Experiences ». "Je ne voulais pas m’asseoir dans un bureau, mais travailler sur le terrain ! ". Elle commence à arpenter la ville avec des groupes, tout en continuant à se perfectionner : en 2015, elle valide sa maîtrise « Valeur patrimoniale des graffitis ’’ en mettant le focus sur les messages des prisonniers de Constitution Hill pendant l’apartheid. « Je suis née et j’ai grandi à Joburg. Mon cœur bat au rythme de ma ville ! ». Et selon elle, le Street Art est une expression populaire qui dit beaucoup sur l’histoire urbaine de la ville.
Un peu d’histoire
Après 50 ans de politiques ségrégatives, l’art public s’est révélé un catalyseur pour gommer les inégalités socio-géographiques en conjuguant croissance économique et lutte contre la pauvreté. Depuis 2007, les pouvoirs publics développent une politique d’art public. En se réappropriant l’espace public et en participant au processus de sécurisation, les œuvres sont devenues des symboles communs contribuant à la fierté civique et forgeant une identité plus positive de Jozy. Cette stratégie de régénération urbaine a démarré dans le CBD, ancien cœur économique frappé de déclin et déserté par la population blanche dans les années 1970. Mais l’étiquette de nation arc-en-ciel reflète la palette des artistes de rue qui s’expriment dans tous les quartiers qui ont connu les blessures de l’apartheid : Braamfontein, Newtown, Maboneng, Wesdene…

Son bureau, un musée à ciel ouvert
Issue d’une famille blanche de banlieue, Jo pourrait détonner dans ces quartiers où seule la communauté noire vit. Son assimilation est naturelle. Quiconque la suit sera ému par son contact avec les sans-abri, gardiens de voiture, collecteurs de ferraille, chauffeurs de taxi, baristas... Elle ne mesurait pas il y a 10 ans combien ces gens lui apporteraient en amitié. « De l’Ougandais qui vivait en Russie et dirige désormais un atelier de voiture au gars qui lave les voitures, tous sont devenus ma communauté. »
« Quant aux artistes, je les soutiens et travaille avec eux. Je veux que mes visites soient connectées et factuelles pour conduire une activité durable qui apporte de la valeur à la ville. " Jo raconte l’histoire du Street Art et ses codes, depuis le premier tag inscrit dans le métro new-yorkais en 1971 jusqu’aux « master pieces » à vocation esthétique, événementielle, militante, contestataire… Elle apporte des détails techniques, apprend comment décrypter les signatures à travers les lettrages hyper travaillés, est incollable sur les styles différents, identifiables par son œil averti : le prolifique Mars, Tapz et ses animaux hallucinés, Kraftsman, Mein163, Martha Cooper, Wu-128, Drake... Elle parle avec fierté du festival Jozy in Gold et ses fresques impressionnantes entre Braamfontein et l’Université de Wits.

2019 et trois consécrations !
2019 a été comme une apothéose. En février, elle recevait à Londres un prix du Vanity Fair magazine « Changing Your Mind », récompensant son rôle dans la modification des mentalités en faveur de Joburg : « Un honneur incroyable, pour moi et ma ville natale, souvent mal comprise ». En juillet, le site d’information en ligne « News24 » la distinguait comme l’un des « 100 jeunes Mandelas du futur » incarnant avec leadership, créativité, résilience et compassion l’esprit de Madiba. Enfin, en décembre, « Past Experiences » célébrait ses 10 ans ! Et Jo n’a pas fini, elle forme des guides et prépare un livre sur Ferreirasdorp, ce quartier qu’elle adore. Et si elle admire New-york l’aînée, Londres et son quartier de Brick Lane, Paris à sa mesure, elle est fière de la place que s’est faite Jozi sur la scène internationale.


 MARIANNE FELIX FAIT RIMER YOGA ET ALEXANDRA

En janvier, Jo’bourg Accueil organisait une rencontre avec Marianne Félix, sud-africaine, docteur de métier et fondatrice de « Yoga4Alex ». C’est une histoire de transmission car sans Patricia Witvoet, professeur de Kundalini Yoga aussi, cette occasion n’aurait été possible. Patricia nous dresse donc le portrait de cette femme formidable, de celles dont l’Afrique du Sud a besoin pour panser les maux de sa population la plus défavorisée.
Une grande femme, la soixantaine dynamique, les petits yeux pétillants et une voix douce qui contrastent avec la femme engagée et passionnée qu’elle est ! Elle voue son énergie à améliorer la vie des adolescents du township d’Alexandra. Elle a choisi le prisme du yoga pour cela, et a fondé l’association « Yoga4Alex ». Son mari Jean-Patrick, tout aussi charismatique est un descendant de français : s’il n’en parle pas un mot, il se passionne pour les racines de sa famille et… pour les marathons ! Car il faut assurément de l’endurance pour suivre sa dynamique femme. A l’origine, Marianne est spécialisée en médecine préventive et du travail (protection contre l’amiante, prévention Sida…). Après un accident de la vie en 2009, un stage de Kundalini Yoga va l’aider à transformer sa vie et retrouver la paix intérieure. Elle décide de rendre ce cadeau aux jeunes de son pays. En tant que médecin scolaire, elle réalise combien les techniques du yoga peuvent rendre la dignité à ces enfants très défavorisés, ayant subit des traumatismes, vivant dans des familles monoparentales ou orphelins, dont le quotidien est bruyant et oppressant.
Intelligente, observatrice et curieuse, elle voit grand ! Si le yoga peut libérer les jeunes de leur stress et chocs émotionnels et les aider à poursuivre leurs études, elle veut les former à devenir professeurs à leur tour. Aujourd’hui, Bongekile Nguza, Nollin Mudau, Fulufhelo Ramango et Dipuo Banda l’aident à enseigner à plus de 300 enfants de 12 à 18 ans cette discipline de la « life orientation ». Les enfants gagnent en calme, confiance en eux, responsabilité et ils cultivent un espace intérieur.
Rien n’arrête Marianne, son cœur est grand ! Je l’ai rencontrée à un festival où elle vendait des « cookies maison » au bénéfice de « Yoga4Alex ». Ses deux filles étant parties à l’étranger, elle a transformé sa maison en guest house. Quand elle ne court pas (marathonienne elle aussi), elle fait du lobbying pour enseigner dans d’autres écoles. Elle cherche un travail pour ses jeunes, car s’ils ont un salaire, toute leur famille en bénéficie.
En septembre dernier, lors du festival « Yoga Mandela Day » qu’elle a créé, j’ai vécu trois jours avec 420 adolescents d’Alex venus découvrir le yoga : quelle émotion !
Inépuisable, Marianne trace et cherche des sponsors en même temps qu’elle coache une vingtaine de jeunes en formation yoga : souvent ils logent chez elle, donnent des cours de maths à ceux qui passent le Matric ou des cours de soutien aux jeunes de 14 ans (70 % ne savant pas lire l’anglais, sachant que les classes comptent 65 élèves à Alex). Sa maison est donc un lieu de paix et d’apprentissage.
Aider Marianne, c’est simple ! Par un don (https://yoga4alex.co.za) ou en organisant un dîner chez vous pour la connaître et profiter de séances de méditation. Décider de la rencontrer est une chance !